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Category: Romans ados

Songe à la douceur de Clémentine Beauvais

songe_douceur-beauvaisMerci Clémentine Beauvais et Tibo Bérard, directeur d’éditions, pour cet inoubliable moment d’émotion passé en compagnie d’un « Songe à la douceur » éblouissant, profond, sensible, délicat, infiniment poétique. L’écriture de Clémentine Beauvais ne cesse de me surprendre, de m’émerveiller et de m’emporter. Ses autres livres m’avaient totalement conquise mais ce tout dernier roman est un régal, une perle, un bijou, une pépite !
A lire à partir de 13 ans et sans limite d’âge !

Songe à la douceur
de Clémentine Beauvais
éditions Sarbacane, collection Exprim’
http://editions-sarbacane.com/songe-a-la-douceur/

Les Fragiles de Cécile Roumiguière

Fragiles-couvGF« L’autorité parentale, c’est pas pour les cochons. »
Drew se demande s’il a déjà essayé de penser une fois comme son père. Cédric est violent. Raciste, tyrannique, détestable. On le hait instantanément. Et pourtant on se surprend à le trouver presque touchant aussi par moments. Ses repères sont autres, il est limité dans un système de pensée autarcique, obtus, brutal et qu’il n’est pas capable de remettre en question. On le sent dans un envie de bien faire envers son fils sauf que c’est toujours dans la voie de la violence et dans l’aveuglement de ce que Cédric voudrait et est. Il ne propose pas, il impose, abîme, démolit, détruit. Sans doute pense-t-il bien faire en enseignant à Drew à tirer les oiseaux plutôt qu’à savoir faire du vélo. Sans doute pense-t-il que c’est son devoir d’en faire un homme en le bousculant un peu, il est pas en sucre après tout. Il poussera même jusqu’à l’humilier devant sa mère lorsqu’il le surprend à se masturber. Parce-que décidément Drew n’est pas le fils dont Cédric rêve, celui avec qui on peut aller voir un match, boire une bonne bière et qui s’en foutrait des études. Cédric est déçu. Drew sent monter une colère viscérale envers cet homme qui ne l’écoute pas, qui ne l’accepte pas, qui le méprise et pourtant c’est pour gagner sa fierté et sa reconnaissance qu’il saborde ses résultats scolaires, se laisse convaincre de partager son amour de la chasse et tente des propos racistes et misogynes dont la honte l’enfoncera encore un peu plus dans le ressentiment.
Et puis, il y a Sky. Elle est indépendante, rebelle, attirante. Comme lui, elle fait partie des Fragiles. Ensemble, ils parlent, partagent leurs blessures. Ils communiquent aussi par la musique, très importante dans ce récit et qui contribue à nous faire plonger dans l’univers clos de ces âmes écorchées. Drew tombe amoureux d’elle. Mais Sky multiplie les rencontres amoureuses. La douleur, la frustration s’intensifient dans la tête de Drew. Il se sent perdre pied.
Alternant les flash-backs et le récit, heure par heure, de cette journée qui verra la vie de Drew basculer, le roman de Cécile Roumiguière monte peu à peu en pression, dans un style oppressant et douloureux. Les mots sont des uppercuts. Les personnages, tous d’une très grande sensibilité nous parlent des fêlures de l’humain, des multiples facettes qui les constituent, de leur complexité et de leur fragilité. Un roman coup de poing dont les personnages intenses et émouvants vous remueront bien les tripes. A découvrir !
« J’ai envie de vomir depuis l’âge de neuf ans, depuis ce jour où mon père a lancé ce « sale nègre » par la vitre de la camionnette. Pas son premier « sale nègre », mais ce jour-là, le nègre, c’était Ernest, le gardien du stade. Ernest qui m’encourageait tous les mercredis depuis deux ans chaque fois que je flanchais. Ce mercredi-là, il a traversé en dehors des clous, il aurait pas dû. »
Les Fragiles de Cécile Roumiguière
éditions Sarbacane, collection Exprim’
paru le 6 avril 2016

Que du bonheur ! de Rachel Corenblit

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Drôlissime !
Laissez-vous emporter par l’avalanche impitoyable de catastrophes qui semble accabler la jeune Angela.
La plume de Rachel Corenblit, vous émerveillera par son style dynamique et tourbillonnant et son humour décapant et irrésistile ! Terrible ! Un vrai bonheur !

Que du bonheur !
de Rachel Corenblit
éditions du rouergue
Dès 13 ans

Tant que nous sommes vivants d’Anne-Laure Bondoux

tant-que-nous-sommes-vivantsBo et Hama travaillent dans la même usine de métallurgie, l’un le jour, l’autre la nuit. Leur amour naît pourtant comme une évidence, comme une étincelle, entre le feu de la forge et le bruit des machines dont les rouages mécaniques s’abattent sans fin. Leur bonheur tient dans cet instant fugace où leurs regards se croisent au moment de la relève et où ils peuvent enfin se respirer le corps et l’âme. Mais un jour, Bo ne se présente pas et Hama prend sa place. L’usine explose. La culpabilité, la peur, la colère s’emparent des habitants, leur fait perdre la raison, les divisent. Bo et Hama décident de s’enfuir. Sur le chemin de leur exil, ils trouveront de l’aide mais devront faire des choix et réapprendre à vivre avec ceux qu’ils sont devenus.
« Séparation après séparation, ainsi va la vie ». Ce conte moderne, sensible et envoûtant, traite avec beauté et poésie du deuil et de la reconstruction. Il nous parle aussi de ce que l’on doit parfois laisser derrière soi pour avancer, des bagages que l’on transmet et du théâtre d’ombres qui s’anime au fond de chacun. Un très beau roman.
 
Tant que nous sommes vivants d’Anne-Laure Bondoux
éditions Gallimard jeunesse, 2014
à partir de 13 ans

Big Easy de Ruta Sepetys

Big-EasyJosie Moraine a grandi à la Nouvelle Orléans, dans le Quartier Français que l’on surnomme le « Big Easy » parce-que justement rien n’y est facile dans les années 50. Fille d’une prostituée immature, avide, irresponsable et brutale qui ne cesse de l’entraîner dans ses galères, elle s’invente des pères dans les hommes d’affaires riches et élégants qu’elle croise parfois. Jusqu’au jour où un meurtre est commis sur l’un d’eux. Jo a 17 ans et décide alors de croire en ses possibilités. Pourquoi n’aurait-elle pas le droit après tout elle aussi de s’inscrire à l’Université renommée de Smith dans le Massachussetts, réservée à l’élite de la société ? Mais comme le lui assène impitoyablement Madame Willie, sa protectrice, tenancière de bordel au bras long, dure mais juste, « ils sont les petits fours et toi, c’est les cacahuètes salées ». Pas facile non plus de quitter la ville et ceux qu’on aime ni de réunir l’argent nécessaire à l’inscription ou d’obtenir des recommandations avec cet héritage familial un peu encombrant. Jo va devoir ruser et pour s’en sortir, va peu à peu s’empêtrer dans une série de mensonges compliqués.
Ruta Sepetys, avec toujours une très belle écriture, dresse dans ce récit le portrait brut et sans complaisance de la société louisianaise des années 50, de sa haute bourgeoisie hypocrite à ses quartiers populaires hauts en couleur par le biais du personnage de Jo, passerelle entre tous ces mondes. Et puis, il y a Charlie, son ami libraire, complice de toujours dont le père perd la tête et Jesse avec sa moto et son sourire charmant. Et puis tous les autres qui tout à tour l’aident ou l’enfoncent. Plongez dans ce huis clos sombre et passionnant et laissez-vous emporter par cette valse de personnages excessifs et fascinants. A découvrir !

Big Easy de Ruta Sepetys
éditions Gallimard, 2013
à partir de 13 ans

Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre de Ruta Sepetys

ce-qu-ils-n-ont-pas-pu-nous-prendreLina a 15 ans. Elle est lituanienne, talentueuse et se réjouit d’intégrer une prestigieuse formation en beaux-arts lorsque le NKVD, la police soviétique de Staline vient l’arrêter une nuit de juin 1941 avec sa mère et son petit frère Jonas. Déportée dans des wagons à bestiaux vers les camps de travail sibériens, elle aura juste le temps de jeter dans une petite valise quelques objets pour toute une vie, comme une photo de famille et un carnet de croquis. Une lente et macabre exode débute. Elle durera des mois, des années. Enfermées, entassées dans des conditions sanitaires et humaines effroyables, les personnalités se confrontent et s’entraident. La peur, la faim et le froid règnent, nourris des cris, des violences et des humiliations cruelles et perverses des soldats.
Sur les wagons, quelques mots ont été placardés pour les nommer : « Voleurs et prostituées ». Ils contiennent des familles d’intellectuels et de contestataires destinés à être parqués dans des kolkhozes puis traînés jusqu’aux confins du cercle arctique dans des conditions de travail et de survie de plus en plus difficiles. La Lituanie a été annexée par l’URSS. Les lituaniens doivent disparaître. Un génocide secret vient de commencer.
Au milieu de cette horreur et de son innocence détruite, Lina rencontrera l’amour avec Andrius et découvrira le courage et l’obstination d’une mère. Séparée de son père, déporté dans un autre train vers un autre camp, elle n’aura de cesse de dessiner sur tous les supports à sa portée pour lui laisser des traces de ce qu’elle vit et voit chaque jour afin de lui transmettre sa mémoire, garder le lien et l’espoir de le retrouver.

Ruta Sepetys a recueilli de nombreux témoignages dont elle s’est servis pour nous raconter cette histoire forte et violente, proche du documentaire. Elle nous montre aussi la résistance des déportés et ces moments où l’humour peut aider à surmonter le pire, éloigner la douleur. Et cela au moins personne n’aura pu leur prendre.

éditions Gallimard jeunesse, 2011
à partir de 14 ans


Comment j’ai écrit un roman sans m’en rendre compte – Annet Huizing

Comment j'ai écrit un roman sans m'en rendre compte

Comment j’ai écrit un roman sans m’en rendre compte d’Annet Huizing

Comment j’ai écrit un roman sans m’en rendre compte
d’Annet Huizing
éditions Syros
à paraître le 7 avril 2016

Dès la première ligne, l’histoire de Katinka nous saute à la gorge et nous saisit. L’air de rien et un peu bravache, cette jeune fille de 13 ans nous livre sans détour et avec spontanéité le vide autour duquel elle tente de grandir depuis des années. En observatrice attentive et attentionnée, elle prend soin de son père et de son petit frère et note dans sa tête les réactions qu’elle suscite autour d’elle. S’impose alors le besoin de raconter, d’écrire, de retranscrire.
Elle sera écrivain, affirme-t-elle. Mais comment le devenir ?
Grâce à l’aide de sa voisine, la formidable Lidwine, qui en connait un rayon en matière d’écriture. Celle-ci va lui livrer chaque semaine, au cours d’un atelier d’écriture et de jardinage (bon échange de procédés) tous les trucs et astuces de base du bon petit auteur.
« Avant tout, le talent est la capacité à ne pas se laisser gagner par le doute. »
Katinka va tisser son monde avec ses mots, faire et défaire, assembler des fragments de vie et finalement écrire un roman presque sans s’en rendre compte.
Dans ce roman initiatique – à plusieurs niveaux – plein d’humour et d’émotion, Annet Huizing nous gâte en nous offrant un récit à double lecture. L’aventure d’une amitié touchante qui, comme les plantes et arbustes que Katinka et Lidwine soignent au fil des jours, va grandir, s’épanouir et les aider à apaiser le passé, faire le deuil de leurs souvenirs et leur permettre d’avancer ensemble pour s’élever et devenir plus fortes, plus sereines, ouvertes vers leur avenir et leurs capacités.
Mais aussi, par le regard posé sur les écrits de Katinka, le lecteur pourra suivre et apprécier le fabuleux mécanisme de la création et du travail d’écriture. Et bénéficier d’une excellente mine d’or de règles essentielles pour ceux qui seraient tentés de prendre la plume. Car comment ne pas avoir envie d’écrire tous les jours après avoir lu un livre pareil ?

Je suis qui je suis de Catherine Grive

jesuisquijesuis_grive« Mon chagrin volait dans ma tête comme un bourdon au-dessus du paysage. Pour ne plus l’entendre, je me forçais à penser à autre chose. Et si possible à rien. Mais le rien n’est pas le vide, le rien est une matière inépuisable à penser. »
Extrait de « Je suis qui je suis » de Catherine Grive
éditions du rouergue

Très joli roman sur l’identité, les non-dits et sur la difficulté à se construire en fonction de ce que les autres attendent ou projettent sur vous.

Traqués sur la lande de Jean-Christophe Tixier

Jean-Christophe TixierDécouvrez le dernier roman de JC Tixier, « Traqués sur la lande », paru au mois de mars aux éditions Rageot.
Gab est un enfant de l’Assistance publique. Rejeté, exploité par les familles d’accueil, abandonné à la dureté de la rue, il chaparde pour survivre. Capturé, il sera malgré son acquittement envoyé en colonie pénitentiaire afin de le remettre dans le « droit chemin ». Ces bagnes d’enfants ont réellement existé et avaient été créé pour donner une éducation et apprendre un métier à ces mineurs laissés-pour-compte et tombés peu à peu dans l’illégalité. Ces colonies se sont en fait révélées être de véritables prisons, dénuées d’enseignement et tenues par des gardiens dont la violence était tolérée et passée sous silence.
Détenus dans des conditions inhumaines où les privations, les violences, les abus et les humiliations étaient quotidiennes, nombreux étaient les enfants parfois à peine âgés de huit ou neuf ans, qui y mouraient dans l’indifférence générale. Le seul échappatoire à cet enfer résidait dans l’espoir un jour de pouvoir s’en échapper. Avec l’angoisse pour ceux qui étaient rattrapés (tous, la plupart du temps) des répressions qui s’ensuivraient suite à leur mutinerie.
Inspirés de faits réels, « Traqués sur la lande » retrace avec une réelle empathie la révolte, l’évasion et la traque sur cette île d’une cinquantaine de ces « mal-aimés ».
Il raconte aussi une rencontre, celle de Gab et d’Aël.
Aël vit sur Belle-Ile-en-mer aux côtés d’une mère soumise et silencieuse et d’un père violent et borné qui cherche à la marier malgré elle à l’un de ces repoussants et fortunés touristes qui traînent le soir sur l’île.
Gab et Aël vont se découvrir, se plaire, apprendre la confiance et à faire renaître peut-être en eux l’espoir d’une vie meilleure, pour l’un comme pour l’autre.
La traque sera longue, impitoyable. L’appât du gain et de la récompense venant faire gonfler les rangs des volontaires dans cette odieuse chasse à l’homme.
Pour son dernier roman, Jean-Christophe Tixier nous livre là un très sensible et palpitant thriller. Le lecteur s’attachera le cœur battant aux ombres de ces fuyards désespérés, prêts à tout, glissant tels des bêtes traquées de buissons épineux en failles rocheuses escarpées et coupantes comme un rasoir.
Un très beau récit, très prenant et révolté sur l’injustice, la cruauté et la bêtise. Et qui nous fait un peu mieux connaître cet épisode de l’Histoire un peu oublié.

Le domaine – Jo Witek

Le domaine - Jo Witek« Tout se passa très vite, en quelques secondes, sans que lui ni l’homme au chapeau n’ait le temps de réagir. La chouette poussa un cri de désespoir, avant de sortir de sa cachette et de se lancer dans un vol rapide. Une magnifique oscillation spectrale, absolument silencieuse.
– Ne faites pas ça, Eric ! s’écria l’homme au chapeau, les mains tendues vers le cuisinier comme un somnambule.
Mais le choc eu lieu. Le coup fut violent et le corps de l’animal traversa le hall à la vitesse d’une balle de tennis, pour venir s’écraser aux pieds de Gabriel et de sa mère.
Deux étrangers, plantés dans le vestibule, et devant eux, gisant sur le parquet de chêne parfaitement lustré, le corps d’une petite chouette brune, tacheté de rouge.
Tous les regards convergèrent dans leur direction.
S’ensuivit un profond silence. Une totale rupture de rythme. Un temps suspendu, dilaté, avant que le sang irrigue de nouveau les visages blafards. »

Gabriel est passionné d’ornithologie. C’est son monde, son univers, sa bulle. C’est là qu’il trouve sa place et sa raison d’être. Il accepte d’accompagner sa mère pendant une saison d’été dans un vaste domaine où elle doit exercer en tant qu’aide auprès de châtelains méprisants dont l’attitude perverse le met aussitôt mal à l’aise. Confronté à un autre monde, à d’autres règles, il tombe immédiatement fou amoureux d’Eléonore, petite fille des châtelains, torturée et insaisissable. Sous l’emprise d’un désir incontrôlable, pour la séduire et être accepté dans son monde, il décide au travers de son œil de naturaliste de l’observer en secret ainsi que son entourage afin de mieux comprendre et appréhender cette nouvelle « espèce ».
Dans ce roman sulfureux d’une grande noirceur, Jo Witek nous invite au coeur d’une famille aristocratique complexe dont le personnage principal se perdra peu à peu dans les faux-semblants et les jeux cruels.
Un excellent roman envoûtant qui met en exergue la beauté de la nature, la complexité de l’âme humaine et les affres torturantes d’un premier amour adolescent.
 

Le domaine
de Jo Witek
Actes Sud Junior, mars 2016