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Category: Romans noirs

Pascal Dessaint

le chemin s arretera la.inddle bal des frelons.inddNé dans une famille ouvrière du Nord, Pascal Dessaint est particulièrement sensibilisé à ces vies difficiles, précaires, souvent désavantagées dès le départ. Il sait à merveille nous parler de ces hommes et femmes exposés au chômage et aux conséquences de la désindustrialisation et du pouvoir des grosses puissances industrielles, des appels d’offre et des enjeux économiques totalement déshumanisés. Il nous parle des hommes mais aussi de son rapport indissociable à la nature, dans des romans ruraux tels que « le bal des frelons », un de ses grands succès. Il est, par ses romans bruts et poétiques à la fois, à travers une plume habile, leur porte-parole, leur voix, plongeant parfois au plus profond des méandres de l’âme humaine, de ses blessures et de sa folie. Tout en nous captivant dès la première ligne, il observe, témoigne et nous propose des champs de réflexion.
Son dernier roman « Le chemin s’arrêtera là » a été primé en 2015.

Traqués sur la lande de Jean-Christophe Tixier

Jean-Christophe TixierDécouvrez le dernier roman de JC Tixier, « Traqués sur la lande », paru au mois de mars aux éditions Rageot.
Gab est un enfant de l’Assistance publique. Rejeté, exploité par les familles d’accueil, abandonné à la dureté de la rue, il chaparde pour survivre. Capturé, il sera malgré son acquittement envoyé en colonie pénitentiaire afin de le remettre dans le « droit chemin ». Ces bagnes d’enfants ont réellement existé et avaient été créé pour donner une éducation et apprendre un métier à ces mineurs laissés-pour-compte et tombés peu à peu dans l’illégalité. Ces colonies se sont en fait révélées être de véritables prisons, dénuées d’enseignement et tenues par des gardiens dont la violence était tolérée et passée sous silence.
Détenus dans des conditions inhumaines où les privations, les violences, les abus et les humiliations étaient quotidiennes, nombreux étaient les enfants parfois à peine âgés de huit ou neuf ans, qui y mouraient dans l’indifférence générale. Le seul échappatoire à cet enfer résidait dans l’espoir un jour de pouvoir s’en échapper. Avec l’angoisse pour ceux qui étaient rattrapés (tous, la plupart du temps) des répressions qui s’ensuivraient suite à leur mutinerie.
Inspirés de faits réels, « Traqués sur la lande » retrace avec une réelle empathie la révolte, l’évasion et la traque sur cette île d’une cinquantaine de ces « mal-aimés ».
Il raconte aussi une rencontre, celle de Gab et d’Aël.
Aël vit sur Belle-Ile-en-mer aux côtés d’une mère soumise et silencieuse et d’un père violent et borné qui cherche à la marier malgré elle à l’un de ces repoussants et fortunés touristes qui traînent le soir sur l’île.
Gab et Aël vont se découvrir, se plaire, apprendre la confiance et à faire renaître peut-être en eux l’espoir d’une vie meilleure, pour l’un comme pour l’autre.
La traque sera longue, impitoyable. L’appât du gain et de la récompense venant faire gonfler les rangs des volontaires dans cette odieuse chasse à l’homme.
Pour son dernier roman, Jean-Christophe Tixier nous livre là un très sensible et palpitant thriller. Le lecteur s’attachera le cœur battant aux ombres de ces fuyards désespérés, prêts à tout, glissant tels des bêtes traquées de buissons épineux en failles rocheuses escarpées et coupantes comme un rasoir.
Un très beau récit, très prenant et révolté sur l’injustice, la cruauté et la bêtise. Et qui nous fait un peu mieux connaître cet épisode de l’Histoire un peu oublié.

Dix minutes à perdre de Jean-Christophe Tixier

Jean-Christophe Tixier

Jean-Christophe Tixier

Prix jeunesse à Quai de Polar pour Jean-Christophe Tixier et son roman  « Dix minutes à perdre » (paru chez Syros le mois dernier) ! Dans ce polar pour les juniors, il nous entraîne cette fois-ci au cœur d’une chasse au trésor en huis clos dont les indices sont dissimulés sous le papier peint de la nouvelle chambre de Tim. Celui-ci vient d’emménager à contre-cœur dans une nouvelle ville, une nouvelle maison, bien loin de ses copains. Ses parents sont absents et il a bien dix minutes à perdre, voire plus. Il entreprend donc de décoller le papier peint de sa chambre. Il découvre alors cette première inscription « Ceci est mon histoire… ». Qui n’a pas un jour, enfant, adolescent ou même adulte, rêvé de découvrir un message secret énigmatique, promesse peut-être d’un trésor mystérieux, endormi depuis des années ? Pour Tim, bientôt rejoint dans cette quête par Léa, sa nouvelle voisine au caractère bien trempé, le rêve pourrait devenir réalité. L’enquête commence. En effeuillant progressivement sa tapisserie, par petits lambeaux interminables, l’auteur nous offre un habile suspense. Le lecteur sent monter une pression grandissante. Mais les embûches sont nombreuses pour nos jeunes héros et les concurrents dans la course peut-être plus proches qu’ils ne le pensent.  Les inscriptions sur le mur révèleront-elles le fin mot de l’intrigue ? Arriveront-ils enfin à dénicher le trésor tant espéré ?

La 2CV verte de Manu Causse

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« Rien n’est arrivé comme ils l’auraient cru. Shit happens, disent les Américains. Mais le pire, c’est ce qui n’arrive pas. Avoir un enfant, par exemple – le père et la blonde n’ont jamais eu d’enfant. A la place, ils ont eu Isaac. Comme on attrape une maladie. »
Eric est dessinateur de bandes dessinées. Son premier album rencontre un succès immédiat et, avec la rencontre d’une belle jeune femme, sa vie s’annonce plutôt prometteuse et sans ombrage. Il semble pourtant planer comme une certaine obscurité dans le cœur et la tête de l’homme. Que cache-t-il de son passé qui semble le poursuivre et le hanter ?
Un enfant nait de cette union. Mais Isaac ne communique avec personne, ni par la voix, ni par le regard, ni par le contact physique. Il vit coupé du monde qui l’entoure et ne semble s’intéresser à rien ni personne à l’exception des carpes du parc municipal où son père s’obstine à vouloir l’emmener contre l’avis du médecin et de la mère. Car cette dernière est en colère. Leur relation n’a pas résisté à l’épuisement et à la culpabilité. Ils se sont séparés et depuis qu’Isaac a été placé dans cet institut spécialisé, la mère multiplie les mains courantes contre le père, critiquant ses méthodes qu’elle pense dangereuses « pour le bien de l’enfant ».
La carrière d’Eric stagne et le père sombre peu à peu. Un jour, il hérite d’une voiture, une 2CV verte et le passé remonte brusquement à la surface. Soudain, Isaac regarde la voiture. Et son père décide sur un coup de tête – ou de folie ? – de s’enfuir avec lui. Un longue errance commence entre père et fils. Quelles sont les intentions du père ? Comment le fils va-t-il vivre ce changement de repères ? Tentant d’échapper aux autorités, le père et le fils vont aller de rencontres en rencontres et se découvrir l’un l’autre jusqu’au dénouement final que je ne révélerai évidemment pas puisque l’attente de celui-ci tient tout le récit dans une tension presque insupportable. Cette histoire émouvante de road-movie initiatique, sombre et onirique vous emportera à coup sûr hors des sentiers habituels. Vous vous laisserez captiver par les personnages tout en introspection dont Manu Causse nous livre la complexité intérieure et humaine avec une profonde sensibilité et une grande sincérité. Bouleversant.
De plus, je ne vous cache pas qu’ayant passé toute mon enfance dans une deudeuche que j’adorais, j’ai eu grand plaisir à en retrouver tous les petits détails amusants comme la vitre avant qui ne tient jamais relevée et nous retombe inévitablement sur le coude passé à l’extérieur ! A découvrir absolument !
 
La 2CV verte
de Manu Causse, aux éditions Denoël

Le chien arabe – Benoît Séverac

chien_arabe_severacLe chien arabe
de Benoît Séverac
éditions La Manufacture de Livres
à paraître le 17 mars 2016

Un dimanche après-midi, la vie de Sergine, vétérinaire au physique hors-normes et qui vient de se faire larguer sans ménagement, bascule à toute vitesse lorsque la petite Samia débarque apeurée dans sa clinique pour la convaincre de l’aider à soigner un chien mourant. La situation se complique lorsque l’animal se révèle être la propriété du caïd local. Et qu’il va rapidement devenir l’enjeu d’une guerre de pouvoirs dans le quartier. Touchée par la détresse et la volonté de cette jeune fille, Sergine va ainsi mettre les pieds dans un engrenage glaçant, entre trafic de drogue et montée du terrorisme, criminels à peine majeurs et policiers dépassés.

Dans une approche fine, une très belle écriture et un rythme parfait, Benoît Séverac nous propose dans ce dernier roman une analyse sociale sensible, mûrie durant de nombreuses années de réflexion. Il touche au cœur et au ventre, en même temps qu’à la tête. On y découvre trois émouvants portraits de femmes fortes et fragiles à la fois, qui agissent seules, envers et contre tous. Révoltées, courageuses et attachantes, elles empruntent leurs propres chemins, écoutent leur instinct et leur cœur plutôt que la raison ou les codes qu’on leur dicte. Limitées dans leurs actions par les autres, à aucun moment elles ne fléchissent pour autant de leurs convictions. La vie de quartier et de ses habitants y est aussi subtilement rendue, on a l’impression de se faufiler au fil des pages, de marcher dans les rues, grimper dans les immeubles, suivre les cages d’escalier, se glisser dans les caves. Le personnage du terroriste, très intéressant, est habilement présenté dans toutes les étapes de ses doutes, ses volte-face et ses réflexions, dans toute l’horreur du mécanisme de l’embrigadement et du lavage de cerveau.
Un très beau roman, à ne surtout pas rater !

Nous rêvions juste de liberté – Henri Lœvenbruck

Nousrevionsjustedeleiberte_Loevenbruck2« Nous rêvions juste de liberté »
Henri Lœvenbruck
Flammarion 2015

Comment grandissent et survivent ceux que le système a rejetés, catalogués et découragés avant même d’avoir pu atteindre l’âge adulte ?
Une réaction, un mot, un jugement en entraînent vite un autre. Commence alors de chaque côté l’escalade vertigineuse vers la colère, l’incompréhension et la violence. Ce roman, sous forme de road-movie en bécane, retrace la quête d’une bande de jeunes nés dans un monde qui ne les a pas accueillis de la plus douce manière qui soit. Dans l’espoir d’exister et de réaliser leurs rêves, ils vont tenter, malgré les dérapages, de s’élever, de trouver une raison d’avancer, de faire naître une quête qui les unirait.
Par ce récit initiatique, l’auteur nous offre une plongée fascinante dans l’univers des MC, Club de Motards présents tout au long des Etats-Unis et de leurs codes d’honneur. Au fur et à mesure de la lecture, la rumeur des belles cylindrées gronde et enfle à nos oreilles et le vent se met à souffler dans nos cheveux…
Mais surtout, Henri Lœvenbruck nous propose ici l’odyssée épique d’un Ulysse écorché vif qui rêve de liberté, de respect, de loyauté, d’amour et d’amitié. Et qui, après avoir affronté mille tempêtes et errances, espère retrouver à Ithaque l’apaisement et l’amour de ceux que l’on ne peut oublier. Mais est-ce possible ?
Le style en apparence légèrement maladroit, façon « langage des rues », se révèle d’une grande force et nous emporte en crescendo vers la gigantesque claque inévitable.
Un roman dont on ressort avec un goût amer, une boule dans la gorge et le souffle coupé.